Les Accidents de la Route – une catastrophe d’origine humaine?

Les Accidents de la Route – une catastrophe d’origine humaine?

La gestion globale des catastrophes a comme objectif principal de renforcer la capacité d’atténuation, de gestion et de réponse pour tous les aléas. Ces aléas comprennent tous les types de catastrophes naturelles et d’origine humaine comme les inondations, les tremblements de terre, les ouragans, les éruptions volcaniques, les incendies chimiques et industriels, ainsi que les déversements d’hydrocarbures et concernent tous les secteurs de la société. La gestion globale des Catastrophes (GGC) englobe également toutes les étapes de la gestion des catastrophes, c’est-à-dire l’atténuation, la prévention, la préparation, la réponse et le relèvement avec comme objectifs généraux de minimiser les risques de catastrophes et d’accroître la résilience.

Au cours de sa vie, l’Association des États de la Caraïbe (AEC) a généralement mis l’accent sur les effets des catastrophes naturelles sur ses États membres. Les efforts portent principalement sur la réduction de l’impact des catastrophes naturelles telles que les cyclones tropicaux et les tremblements de terre sur la population, notamment les Petits États insulaires en Développement (PEID) qui constituent l’archipel des Caraïbes. Ces États, qui se trouvent directement sur le chemin général des cyclones atlantiques, sont considérés comme les plus vulnérables. Récemment, l’approche de l’AEC a été axée sur la réduction des risques de catastrophes, c’est-à-dire l’étape de la GGC qui vise à atténuer les effets d’une catastrophe avant qu’elle ne se produise, plutôt que de se concentrer sur le relèvement suite à l’événement.

Aujourd’hui, à travers l’optique de la gestion des catastrophes, nous examinerons un phénomène qui a touché la plupart des personnes de la région, soit par son impact sur notre vie personnelle soit sur celle de nos proches : les accidents mortels.

En juin 2009, l’Organisation mondiale de la Santé a lancé le Rapport de situation sur la sécurité routière dans le monde qui a réaffirmé que les blessures liées aux accidents de la route constituent un problème majeur de santé et de développement. Au niveau mondial, les accidents de la route provoquent plus de 1,2 millions de décès et 30-50 millions d’autres blessés graves  ou incapacités. Les traumatismes dus aux accidents de la route sont la huitième cause la plus importante de décès au niveau mondial et la principale cause de décès chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans. Les tendances actuelles indiquent que d’ici à l’an 2030, les accidents mortels constitueront la cinquième cause la plus importante de décès au niveau mondial.

Les pays en développement se trouvent dans une situation très difficile car plus de 85% des décès et 90% des blessures ont lieu dans des pays à faible ou moyen revenu. Les pays pauvres se trouvent surexposés car ils représentent 50% du trafic routier mondial mais presque 90% des accidents de la route mortels. Pour placer ces chiffres dans une perspective régionale, en 2010, les Caraïbes hispanophones ont enregistré un taux moyen d’accidents mortels de 22,2 pour 100.000 personnes, tandis que les Caraïbes non-hispanophones ont enregistré un taux d’accidents mortels de 14,4% pour 100.000 personnes. La région centraméricaine a enregistré un taux d’accidents mortels de 14,5 pour 100.000, les décès liés à des traumatismes causés par des accidents de la circulation étant estimés à 142.000 dans l’ensemble de la région des Amériques en 2012. En outre, 20 à 50% des accidents mortels dans la région sont liés à la consommation d’alcool. En dépit de ces chiffres alarmants, la plupart des personnes ignorent que les traumatismes dus aux accidents de la route constituent une cause principale de décès et d’incapacité.

D’une perspective régionale, la pertinence de ces chiffres devient de plus en plus évidente lorsque l’on considère que la propriété de véhicules dans la région est très faible. À l’échelle mondiale, 27% de l’ensemble des accidents de la route mortels se produisent chez les piétons et les cyclistes, tandis que dans la sous-région d’Amérique latine et de la Caraïbe, les décès parmi ces groupes vulnérables représentent plus de 30% des mortalités et devraient s’accroître en raison de la croissance des revenus et la hausse correspondante de la motorisation.

L’analyse économique des effets des cyclones tropicaux sur les économies des Caraïbes indique qu’un orage grave peut réduire la production nationale de jusqu’à 1% du produit intérieur brut dans l’année où survient un ouragan ; toutefois un impact plus alarmant est le fardeau économique annuel des accidents de la route. Dans la région d’Amérique latine et de la Caraïbe l’impact annuel est estimé aux alentours de 1 à 3% du produit intérieur brut, soit environ US18,9 milliards, ces coûts dépassant la valeur de l’aide au développement reçue de sources externes chaque année. Il convient de noter que ces estimations représentent les coûts directs liés principalement au manque de productivité, plutôt que le coût social intégral des accidents. La plupart des victimes des accidents sont la principale source de revenus des ménages et lorsqu’elles sont tuées ou blessées, leurs familles sont dépourvues de soutien économique. En outre, les survivants ont besoin de soins immédiats et à long terme, étant atteints d’une incapacité permanente, se transformant en fardeau pour leurs familles et la société.

Il a été prouvé que certaines stratégies qui existent dans le monde développé réduisent les traumatismes dus aux accidents de la route et un certain nombre de pays ont employé avec succès ces stratégies pour réduire leurs accidents mortels. Toutefois, en dépit de ces avancements, aucune réduction globale du nombre de personnes tuées sur la route chaque année n’a été constatée à l’échelle mondiale. Il faut prendre en compte le fait que ce plateau correspond à une augmentation de 15% du nombre de véhicules enregistrés. Malheureusement cette augmentation est due principalement à une mobilisation accrue des pays en développement.

La question prédominante concerne la manière de réduire le spectre des accidents mortels de la route qui touche la région.

Les organisations mondiales ont identifié la création d’une culture de réduction et de prévention des risques comme un outil clé dans la boîte à outils pour réduire l’impact des décès et traumatismes liés aux accidents de la circulation. Parmi les solutions simples identifiées pour réduire les accidents de la route et leurs conséquences humaines et économiques figurent :

  • L’offre d’un financement adéquat et stable pour la mise en œuvre de mesures de sécurité routière.
  • La mise en œuvre de meilleurs systèmes routiers notamment à l’intention des usagers  de la route vulnérables comme les piétons et les personnes âgées.
  • Une sensibilisation accrue du public sur les principaux facteurs de risque comme la conduite en état d’ébriété et la conduite sous l’effet de la fatigue.
  • La conception et la mise en œuvre de politiques de sécurité routière au niveau national et communautaire.
  • Une meilleure éducation des conducteurs.

Heureusement, la question des accidents mortels de la route a été soulevée sur la scène régionale et même si la région souffre d’un manque de données, quelques progrès ont été réalisés dans la collecte de données et l’étude des enjeux. La relation entre l’alcool et les accidents de la route est en train d’être étudiée dans le cadre des actions stratégiques de prévention et de contrôle des maladies non-transmissibles dans les pays de la Communauté des Caraïbes pour la période 2011 à 2015.

La situation dans le monde développé est en train de s’améliorer, notamment en raison d’une approche intersectorielle coordonnée de la sécurité routière. Les projections indiquent toutefois qu’à défaut d’un engagement politique fort à la prévention et réduction des risques, les accidents mortels dans les pays à faible et moyen revenu doubleront d’ici à l’an 2020. Il est reconnu qu’une analyse des politiques et programmes pour améliorer l’environnement bâti et le transport  de masse, aura un impact considérable sur les risques pour la santé des accidents de la route.

Comme le montrent les chiffres ci-dessus, il existe une corrélation directe entre l’amélioration de la sécurité routière et la réduction de la pauvreté. En collaboration avec nos partenaires mondiaux, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et l’Organisation panaméricaine de a Santé (OPS) et avec le soutien des Gouvernements de la Grande Caraïbe, l’Association des États de la Caraïbe a l’intention d’attribuer à la sécurité routière toute sa place dans l’ordre du jour régional.

 

George Nicholson est le Directeur du Transport de l’Association des États de la Caraïbe.
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